mardi 26 mai 2009

Kyste Ovarien

Objectifs :

  • Devant une tuméfaction pelvienne chez une femme, argumenter les principales hypothèses.
  • Diagnostiquer et justifier les examens complémentaires pertinents.
  • Diagnostiquer une tumeur de l'ovaire.
  • Argumenter l'attitude thérapeutique.
  • Planifier le suivi thérapeutique.

1 Introduction

La pathologie annexielle constitue l'un des motifs les plus fréquents de consultation gynécologique, comme l'une des indications les plus fréquentes en chirurgie gynécologique : 5 à 7 % des femmes développent une tumeur ovarienne au cours de leur vie.

Les kystes ovariens peuvent être :

  • Fonctionnels,
  • Ou organiques (lésions vraies), bénins ou malins

  1. Un grand nombre de ces kystes sont dits « fonctionnels », correspondant soit à de gros follicules pré-ovulatoires ou anovulatoires (> 3 cm, il est à noter que le follicule ovulatoire de De Graaf mesure 22 mm), soit à des corps jaunes kystiques. Ils disparaissent spontanément. Ils constituent les kystes les plus fréquents, avec une prévalence de 20 % chez les femmes en période d'activité génitale et 5 % après la ménopause. Ils sont favorisés par les inductions de l'ovulation.
    Ces kystes régressent spontanément dans 90 % des cas, en quelques semaines.
    Il a longtemps été classique de dire que les kystes fonctionnels n'existaient pas après la ménopause. Pourtant, il a été montré que 5 % des patientes ménopausées présentent un kyste fonctionnel. Les kystes uniloculaires doivent donc être correctement évalués avant d'être opérés.
  2. Les kystes ovariens organiques sont le plus souvent bénins. Seules 5 % des masses annexielles organiques diagnostiquées avant la ménopause sont néoplasiques ; et environ 15 % après la ménopause. Les kystes ne constituent pas des lésions pré-néoplasiques et doivent être pris en charge de façon simple, afin de ne pas altérer la vie ultérieure des femmes, en terme de fertilité, de douleurs séquellaires ou d'éxérese inutile d'organes sains
  3. Inversement le cancer de l'ovaire est une pathologie de mauvais pronostic, qui nécessite un traitement adapté.
    Devant une « masse ovarienne » unilatérale, deux étapes sont toujours à respecter :
    • affirmer l'organicité,
    • éliminer une lésion néoplasique.


    Rappel : Les tumeurs de l'ovaire peuvent être développées à partir des 3 constituants principaux des gonades : l'épithélium coelomique (mésothélium), le stroma spécialisé (tumeur des cordons sexuels) et les cellules germinales.
    Chacun de ces constituants peut donner des tumeurs bénignes, des tumeurs à malignité limitée (lésion borderline ou frontière) ou des cancers.
    Les tumeurs épithéliales séreuse sont de loin les plus fréquentes et constituent 90 % de l'ensemble des tumeurs ovariennes.
    Cependant, la fréquence de chaque type de lésion (épithélium coelomique / stroma spécialisé / cellules germinales) varie avec l'âge, comme la fréquence des cancers.

2 Quelle est la stratégie diagnostique devant une tumeur de l'ovaire unilatérale ?

Circonstances de découverte
Il n'existe pas de symptomatologie spécifique des kystes de l'ovaire. Les signes d'appel principaux sont des douleurs pelviennes unilatérales modérées, généralement à type de pesanteur ; des métrorragie ; une pollakiurie ou des troubles digestifs par compression.
Mais dans plus de 50 % des cas le kyste de l'ovaire est latent, découvert sur un examen clinique ou sur une échographie réalisés pour une autre raison.
L'examen clinique
  • L'interrogatoire
    On note la date des dernières règles normales et l'on recherche les facteurs de risque de kyste fonctionnel : contraception orale minidosée, grossesse, stimulation ovarienne, syndrome des ovaires polykystiques ou au contraire des facteurs pouvant faire évoquer une nature néoplasique : antécédents personnels de cancer du sein ou de l'ovaire, antécédents familiaux au premier degré de cancer du sein ou de l'ovaire surtout s'ils sont survenus chez une femme jeune.
  • La palpation abdominale ne retrouve aucune anomalie la plupart du temps, parfois le kyste pourra être perçu à travers la paroi (masse abdomino-pelvienne mate à la percussion).
  • L'examen au spéculum
    On note l'état du col. Il est impératif de réaliser des frottis en l'absence de frottis cervico-vaginal datant de moins de 2 ans.
  • Le toucher vaginal
    Il retrouve une masse latéro-utérine, rénitente, régulière, séparée de l'utérus par un sillon, indépendante de la mobilisation utérine. Elle peut être parfois prolabée dans le cul de sac de Douglas.

Le reste de l'examen clinique est normal.
Aucun élément ne permet alors d'affirmer la nature fonctionnelle, organique bénigne ou néoplasique de cette anomalie. Ce sont les examens complémentaires qui vont orienter vers le diagnostic final qui devra être confirmé par une étude anatomopathologique de toutes les tumeurs organiques.
Examens complémentaires
Echographie pelvienne avec étude Doppler.
Le premier examen complémentaire à réaliser est une échographie pelvienne.
Elle doit être effectuée par un opérateur compétent en gynécologie avec un appareillage adapté. Elle se fera par voie abdominale et par voie vaginale. Le compte rendu échographique doit décrire la lésion avec précision :
  • Côté du kyste,
  • Biométrie du kyste,
  • Forme et situation (uni ou bilatérale),
  • Echogénicité (anéchogène, discrètement échogène, homogène ou hétérogène),
  • Caractéristiques de la paroi (épaisseur, régularité),
  • Existence de cloison(s) (en précisant l'épaisseur, et la régularité),
  • Existence de végétations intra ou extra-kystique (en précisant la taille et la situation)
  • Description de l'ovaire controlatéral et de l'utérus à la recherche d'une pathologie associée
  • Description du cul de sac de Douglas avec signalement d'une éventuelle ascite.

L'existence d'une ou de plusieurs végétations, un aspect complexe ou un aspect solide sont des arguments très évocateurs de malignité.
Une étude Doppler doit compléter l'étude morphologique.
L'ASPECT ECHOGRAPHIQUE DU KYSTE NE PERMET PAS D'AFFIRMER SA NATURE FONCTIONNELLE.
POUR ELIMINER LES KYSTES FONCTIONNELS, IL FAUT RECOMMENCER L'EXAMEN A DISTANCE. EN EFFET 70 % DES KYSTES FONCTIONNELS REGRESSENT EN 6 SEMAINES ET 90 % EN 3 MOIS. L'INTERET DES TRAITEMENTS HORMONAUX FREINATEUR EST DISCUTE.
TOUT KYSTE PERSISTANT PLUS DE 3 MOIS EST CONSIDERE COMME UN KYSTE ORGANIQUE ET DOIT ETRE ANALYSE.

Les explorations radiologiques complémentaires
Le scanner pelvien et surtout l'IRM complètent le bilan dans certaines situations.
Les indications sont les suspicions de kyste dermoides ou endométriosiques pour lesquels ces examens ont des valeurs prédictives élevées.
L'IRM est également indispensable en cas de kyste volumineux (> 7cm de diamètre), car l'échographie ne peut alors fournir une exploration complète. L'analyse sémiologique est superposable à celle de l'échographie : biométrie, uni ou bilatéralité, contenu, présence de cloisons ou de végétations, aspect après injection de gadolinium. L'IRM fournit également des informations sur le péritoine (nodules), l'épilpoon, les aires ganglionnaires.
Les examens biologiques
Les examens biologiques
La grossesse aura été éliminée au moindre doute par un dosage de B HCG plasmatique. Le dosage du CA125 est demandé pour aider dans la distinction kyste bénin / scancer.


Une élévation du CA 125 après la ménopause est un argument fort pour la malignité.
Le premier bilan est toujours clinique et échographique (+ CA125).
A l'issue de cette première étape, on recherche les arguments en faveur de la malignité. De nombreux scores ont été proposés.


Les éléments qui apparaissent aujourd'hui importants sont :
  • L'âge de la patiente,
  • Ses antécédents familiaux,
  • L'existence de végétations intra ou extrakystiques,
  • Un TAMVx élevé ou un CA 125 augmenté,
  • La bilatéralité des lésions.

En prenant ces éléments, plusieurs scores ont été proposés, le plus connu étant le RMI (Risk of Malignancy Index), permettant de déterminer la nature maligne d'un kyste avec une sensibilité de 80 % et une spécificité de 92 %.
Au total
Il existe plusieurs situations :
  • Il n'existe pas d'argument immédiat de malignité,
  • Il existe des arguments évidents en faveur de la malignité :
    La tumeur est hétérogène avec des végétations, il s'agit d'une lésion bilatérale, associée à une ascite, le CA 125 est élevé (> 2N)...
    Il faut adresser la patiente à un centre spécialiste en oncologie gynécologique.
  • Il n'existe pas d'argument immédiat de malignité :
    Il faut vérifier que la « tumeur ovarienne » persiste plus de 3 mois afin d'affirmer son organicité.
    On complètera le bilan par une échographie de deuxième intention et éventuellement une IRM, avant de proposer le traitement du kyste.

Il faut garder à l'esprit que le bilan pré-opératoire peut méconnaitre un petit nombre de cancers stade I.

dimanche 17 mai 2009

L'aspirine, un remède miracle ?

L'aspirine pourrait avoir un effet préventif contre de très nombreuses maladies : cancer, infarctus, accidents de la grossesse… Peut-on pour autant considérer ce médicament comme un remède miracle ? La réponse est plus nuancée.

Nous savons depuis longtemps déjà que l'aspirine peut servir à autre chose qu'à soulager les grippes ou les maux de tête. Mais les experts recommandent-ils aujourd'hui un recours préventif à ce médicament ?

Aspirine : Protéger les victimes d'infarctus

AspirineDepuis une vingtaine d'années, plusieurs études se sont succédées, indiquant les vertus préventives de ce médicament face aux maladies cardiovasculaires. L'aspirine inhibe, en effet, l'agrégation des plaquettes, donc la formation de caillots sanguins à l'intérieur des vaisseaux. Une dose aussi faible que 80 mg par jour pendant une semaine (alors que les comprimés pour adulte varient habituellement entre 300 mg et 1 g) suffit à réduire de 90 % la libération de substances agrégantes par les plaquettes et à allonger le temps de saignement. A cette action antiagrégante s'ajoute un effet anti-inflammatoire bénéfique pour la paroi vasculaire.

Des essais thérapeutiques ont montré que la prise régulière de faibles doses d'aspirine réduit (de 25 % environ) le risque de récidive chez les personnes ayant eu un premier infarctus. L'efficacité est encore supérieure si on associe à l'aspirine d'autres médicaments. Un effet préventif similaire a été observé sur les récidives d'accident vasculaire cérébral (AVC). Ainsi, les spécialistes proposent systématiquement un traitement par aspirine à faible dose aux personnes ayant eu un infarctus ou un AVC, et qui n'ont pas de contre-indications à ce médicament (allergie, ulcère et risque hémorragique).

L’aspirine est bénéfique pour les artères en cas de prédisposition

Qu'en est-il des personnes n'ayant jamais eu de problèmes vasculaires ? Les données sont dans ce cas beaucoup moins convaincantes. Certaines études ne montrent pas de diminution du risque d'infarctus et d'autres indiquent une augmentation des AVC. En réalité, le traitement semble n'avoir d'effets favorables que lorsqu'il existe au moins un facteur prédisposant aux accidents cardiovasculaires. Se basant sur cinq études, les résultats d'une analyse de grande ampleur1 révèlent une diminution de 28 % des accidents cardiaques et de 15 % de la mortalité liée à ces accidents chez les personnes traités par aspirine. Mais cette action bénéfique ne concerne que les personnes les plus exposées aux maladies cardiovasculaires. Chez celles n'ayant aucun facteur de risque, le bénéfice lié à la réduction des accidents cardiaques est annulé par une augmentation des AVC et des hémorragies digestives. Ainsi, le traitement par l'aspirine est généralement réservé aux personnes ayant un facteur prédisposant aux accidents cardiovasculaires, tels qu'une fibrillation auriculaire, une angine de poitrine, un diabète, une hyperlipidémie ou une hypertension artérielle (à condition, toutefois, que celle-ci soit correctement traitée). Selon une étude présentée aux 17e rencontres scientifiques annuelles de la Société américaine d'hypertension, il est préférable de prendre l'aspirine le soir, car cela entraîne une légère diminution de la pression artérielle.


Parfois utile pendant la grossesse

Par ses effets sur les vaisseaux, l'aspirine diminue également le risque de complications chez les femmes enceintes ayant une hypertension gravidique (hypertension survenant pendant la grossesse). Prise à faible dose (100 mg/j), elle réduit ainsi la fréquence de l'éclampsie, de l'hématome rétroplacentaire et le risque de mort foetale.

D'autres études indiquent que l'aspirine, administrée dès la 15e semaine de la grossesse aux femmes ayant des antécédents de retard de croissance in utero, permet d'augmenter le poids de naissance du nouveau-né. Enfin, l'aspirine peut prévenir les fausses couches tardives chez les femmes ayant des antécédents d'avortements à répétition. Enfin, les études réalisées au cours de fécondations in vitro montre qu'elle peut favoriser l'implantation de l'embryon et réduire le risque d'avortements précoces. Il pourrait ainsi être utile de l'administrer très tôt pendant la grossesse, voire avant la conception chez les femmes ayant des antécédents de fausse-couches précoces à répétition des maladies auto-immunes augmentant les risques d'avortement.

En revanche, les spécialistes ne recommandent pas de traiter les femmes sans antécédents particuliers, ni celles ayant une grossesse multiple ou une hypertension artérielle permanente.

Surtout, ils soulignent qu'il est important de respecter les contre-indications et d'arrêter le traitement à 35 semaines de grossesse. En fin de grossesse, l'aspirine augmente les risques de complications hémorragiques et d'une anomalie vasculaire particulière chez le foetus : la fermeture prématurée du canal artériel. Si vous êtes enceinte ne décidez jamais de votre propre chef de prendre un médicament. Parlez-en impérativement avec votre médecin.

Prévenir le cancer

Concernant la prévention des tumeurs cancéreuses, les études sur l'aspirine étaient jusqu'à présent assez contradictoires. Un vaste essai mené sur 20 000 médecins américains, la Physicians Health Study, n'a montré aucun effet positif de l'aspirine sur le risque de cancer du côlon ou du rectum chez ces hommes sans facteurs de risque particuliers2.

Il pourrait en être autrement pour les personnes ayant des antécédents de cancer du côlon ou de polypes, lésions précancéreuses de l'intestin. Incluant quelques centaines de patients, deux études3,4 plaident en faveur d'une action préventive. Dans la première et après 13 mois, 17 % seulement des patients traités par aspirine après ablation d'un cancer du colon ou du rectum ont eu à nouveau des polypes contre 27 % des malades non-traités.

Moins significative, la seconde étude concerne des personnes opérées pour des polypes. Après 33 mois, le risque de développement de nouveaux polypes ou d'un cancer était de 38 % dans le groupe traité par 81 mg d'aspirine par jour, de 45 % dans celui traité par 325 mg et de 47 % dans celui sous placebo.

Le dépistage et l'ablation systématiques des cancers et des lésions précancéreuses restent cependant la base de la prise en charge des personnes à haut risque de cancer du côlon et du rectum. Le traitement par l'aspirine n'est certainement pas en mesure de changer cette règle.

D'autres études suggèrent que l'aspirine pourrait prévenir d'autres cancers : oesophage, ovaire, pancréas, poumon, bouche, larynx et pharynx… Entre autres exemples, l'analyse de neuf études menées dans la population générale indique que la prise d'aspirine, quelle qu'en soit la raison, est associée à une réduction de 50 % du risque de cancer de l'oesophage5. Ces résultats incitent à mener des essais thérapeutiques chez des personnes à risque pour confirmer son action préventive.

Pas de traitement systématique

Ce médicament centenaire pourrait-il bénéficier à chacun d'entre nous ? Il serait tentant de le conclure, d'autant que certaines études6 indiquent qu'il pourrait également prévenir la maladie d'Alzheimer. Mais d'autres sont plus réservées7.

Ainsi, l'ensemble des données actuelles conduit à ne pas préconiser le traitement systématique. En effet, les essais menés sur la population générale ne montrent généralement pas d'effets favorables sur les maladies cardiovasculaires, lorsque les personnes n'ont pas de facteur de risque particulier.

En ce qui concerne le cancer, les résultats sont le plus souvent basés sur des témoignages rétrospectifs, ce qui ne permet pas d'affirmer avec certitude que les effets observés sont bien liés à l'aspirine. Enfin et surtout, ce médicament a des effets indésirables bien connus. Il augmente le risque d'accidents hémorragiques, notamment d'hémorragies cérébrales et digestives, même aux faibles doses utilisées en prévention.

Pour une personne en bonne santé et sans antécédent, ces risques hémorragiques dépassent les bénéfices escomptés du traitement. L'intérêt de la prise d'aspirine doit être décidé au cas par cas, en fonction des risques de chacun. Les réserves apportées récemment au traitement substitutif de la ménopause montrent à quel point il convient d'être prudent avant de recommander un traitement préventif systématique.

Dr Chantal Guéniot

1 - Ann Intern Med. 2002;136:161-172
2 - Ann Intern Med. 1998 May 1;128(9):713-20
3 - N Engl J Med. 2003 Mar 6;348(10):883-90
4 - N Engl J Med. 2003 Mar 6;348(10): 891-9
5 - Gastroenterology, 2003 Jan;124(1):47-56
6 - Neurology, 2002 Sep 24;59(6):880-6
7 - Am J Geriatr Psychiatry. 2003 Mar-Apr;11(2):179-85